Institut Panafricain du Développement Durable


Un décret français « anti fast fashion » du 6 septembre 2025 ouvre la voie à une nouvelle exigence européenne de durabilité des produits.

Un décret n° 2025-957 du 6 septembre 2025 passé presque inaperçu pris en application de la loi française n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience est-il un premier pas important vers une nouvelle exigence de durabilité non plus seulement des entreprises, mais désormais également des produits ? Comme chacun doit le savoir, les grandes entreprises européennes sont désormais tenues à une exigence de durabilité en vertu d’une directive européenne du 16 décembre 2022 sur la publication d'informations en matière de durabilité (CRSD : Corporate Sustainability Reporting Directive), entrée en vigueur le 5 janvier 2023, qui exige d’elles qu'elles communiquent sur leur impact social, sociétal et environnemental. La durabilité au sens de cette directive ne s’entend donc pas directement de l’exigence d’un comportement vertueux, par différence avec le devoir de vigilance, mais d’une exigence de transparence s’agissant de communiquer au public un certain nombre d’informations concernant leurs activités, avec la conséquence en résultant, non pas directement mais indirectement pour elles, d’influer sur leurs comportements au service d’une plus grande vertu sociale, environnementale et climatique, sous peine de s’exposer à toutes les conséquences commerciales d’un « Blame & Shame ». 

La loi française 22 août 2021 et son décret d’application entré en vigueur le 1er octobre 2025 reprennent le même procédé pour l’appliquer dans l’industrie textile non plus aux entreprises elles-mêmes mais à certains produits. Il définit le « coût environnemental d’un produit » comme « le résultat de l'agrégation des différentes catégories d'impacts environnementaux d'un produit tout au long de son cycle de vie, qui comprend notamment les étapes de production des matières premières, transformation, distribution, d'utilisation et de fin de vie ». Ce coût environnemental traduit ainsi l'ensemble des impacts générés par un vêtement, de sa production à sa fin de vie, en couvrant non pas seulement l'impact carbone, mais également la consommation d'eau, de produits phytosanitaires, de ressources fossiles ainsi que les émissions de micro-fibres. Plus le coût environnemental d'un vêtement est élevé, plus il coûte cher à la planète. Un arrêté ministériel à venir précisera « les paramètres nécessaires à la détermination du coût environnemental, la méthodologie de calcul, et les différents types de données mobilisées pour effectuer le calcul ». Ces dispositions s'appliquent à tout fabricant, importateur ou tout autre metteur sur le marché qui porte volontairement à la connaissance du consommateur le coût environnemental d'une ou plusieurs de ses références de produit textile, et ce quel que soit le support physique ou dématérialisé utilisé pour le communiquer. De la sorte, les consommateurs pourront connaître le coût environnemental des vêtements qu'ils achètent grâce à un affichage inédit, et exprimer leurs préférences dans leurs choix de consommation au profit des produits les plus vertueux et au détriment des autres. Autrement dit, la loi du marché est de nouveau mobilisée au service des objectifs environnementaux et climatiques, y incluant celui de la réduction des déchets textiles dont un pays comme le Ghana est l’un des premiers destinataires avec toutes les conséquences environnementales dommageables en résultant. 
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Par-delà ces nobles objectifs, celui d’un protectionnisme commercial délibéré de l’industrie textile ne peut pas être sous-estimé, à tel point que ces dispositions ont été dénommées « anti fast-fashion » en ce que leur raison d’être première est d’instrumentaliser l’information environnementale pour restreindre les importations textiles chinoises à des prix considérés comme prédateurs et présumées déloyales. En seront les victimes collatérales d’autres pays africains exportateurs très compétitifs tels que le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, le Kénya ou encore l’Afrique du Sud. Il n’apparait pas certain également qu’elles soient conformes au principe fondamental de l’Union européenne qui est celui de la liberté de circulation des produits, en ce que la réunion nécessairement complexe des informations environnementales requises ainsi que leur publication aura nécessairement un coût de nature défavoriser les productions étrangères dans leur concurrence avec les productions nationales. Pour autant, et de la même manière qu’en matière de vigilance le droit européen a suivi en 2024 le droit français qui avait ouvert la voie en 2017, cette nouvelle conception de la durabilité des produits a sans doute vocation à s’imposer de manière générale au niveau européen, parallèlement aux exigences d’écoconception, ou encore à la lutte contre l’obsolescence programmée. Avec le même objectif qui est celui du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), savoir faire payer aux exportateurs dans l’Union européenne le coût environnemental et climatique de leurs productions, limiter les importations, et en même temps organiser de la sorte pour l’Union Européenne de nouvelles ressources renforçant son indépendance financière. Comme on le voit, la finance n'est jamais très éloignée de l'environnement et du climat. A suivre …
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