Institut Panafricain du Développement Durable
Que dit la High Court of Justice of England & Wales concernant la responsabilité des administrateurs de sociétés en matière climatique ?
La High Court of Justice of England and Wales a statué le 12 novembre 2023 dans une nouvelle affaire concernant la société Shell, laquelle a déménagé son siège social des Pays Bas à Londres supposée relever de juridictions plus compréhensives aussitôt après sa condamnation par le tribunal de la Haye le 26 mai 2021 qui lui a demandé de faire un effort pour réduire des émissions de 45 % d’ici à 2030, par comparaison avec ses émissions en 2019. L’affaire a été portée en justice par une autre ONG ClientEarth, laquelle a organisé son action en justice de manière originale quand bien même le procédé a connu des antécédents.
A la différence au procès Shell instruit aux Pays-Bas, cette ONG a dirigé son action non pas contre la société Shell elle-même, mais contre la personne des membres de son conseil d’administration. La stratégie était indiscutablement très habile au moins pour deux raisons. La première étant que le jugement rendu le 26 mai 2021 a été finalement annulé par la Cour d’appel de La Haye rendu le 12 novembre 2024. L’ONG a sans doute été bien inspirée de ne pas se limiter à renouveler sa demande à l’identique par-devant une juridiction anglaise en espérant qu’elle soit plus compréhension que la juridiction hollandaise par-devant laquelle est devait finalement succomber. Surtout, le procès dirigé contre la personne des administrateurs de Shell était nécessairement de nature à les faire réfléchir s’agissant de déterminer la politique de la société, plus encore que l’hypothétique condamnation de la personne morale. Le procédé employé à cet effet n’est pas en soi nouveau mais mérite d’être souligé. L’ONG de protection de l'environnement simplement a acquis des actions de Shell . Ce pour pouvoir poursuivre les administrateurs de cette société, en faisant valoir que sa stratégie nuit aux intérêts des actionnaires pour ne pas réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, L'ONG accuse les administrateurs de ne pas avoir pris en compte les risques climatiques avec la conséquence d’affecter la viabilité de la société en même temps que la valeur de ses actions.
Après avoir repoussé l’action des ONG aux Pays-Bas, Shell va la repousser également par-devant la High Court of Justice of England and Wales. Laquelle rejette les accusations selon lesquelles les membres du conseil d'administration de Shell auraient failli à préparer l'entreprise aux conséquences du changement climatique. La High Court a rejeté cette demande en estimant que l'ONG n'avait pas satisfait les critères précis qui sont requis par elle pour poursuivre une action en justice contre les administrateurs de la société. Les juges ont affirmé que la loi britannique n'impose pas de devoirs spécifiques aux administrateurs concernant le climat, en leur laissant la liberté de gérer l'entreprise. Ils ont également noté que la plupart des actionnaires avaient soutenu les plans climatiques de Shell, ce qui était de nature à écarter leur responsabilité individuelle.
Pour autant et bien que l’ONG ait succombé en son action dans le cas présent, cela ne signifie pas que la responsabilité climatique des administrateurs serait écartée par principe. Les conseils d'administration doivent être conscients que leur gestion peut être affectée par des risques liés aux changements climatiques qui peuvent avoir un impact sur les actifs et les opérations de l'entreprise. La considération croissante de ces risques est de nature à emporter des exigences juridiques accrues non pas seulement de la part des entreprises mais également des personnes physiques qui les dirigent. Avec la conséquence pour les conseils d'administration et pour leurs membres de devoir évaluer les enjeux climatiques et adapter leur gestion en conséquence. A suivre …