Institut Panafricain du Développement Durable


Un arbre sacré peut-il avoir des droits comme une personne juridique ?

L'arbre est traditionnellement considéré d’un point de vue juridique comme un simple bien immobilier consumptible ayant une valeur économique, notamment pour ses fruits et pour son bois. Il est utilisé pour des constructions, du chauffage et des loisirs, et sert aussi de repère dans nos environnements. Il est rarement considéré par la loi, sauf par le droit pénal dans le cadre de certaines infractions forestières. Les codes forestiers dans chaque pays contiennent généralement des règles éparses concernant les arbres, mais se concentrent surtout sur les essences et leurs gestion durable. Avec la nécessité de faire la distinction entre différents types d'arbres, tels que les arbres forestiers, urbains, agricoles et routiers, afin de les protéger dans leurs rôles écologiques et sociaux. `

Des évolutions sont néanmoins en cours. Les lois actuelles dans tous les pays tendent à protéger les espaces boisés, en interdisant des aménagements qui pourraient nuire à l'environnement au constat que l'arbre joue donc un double rôle non pas seulement économique mais également biologique et social. Au-delà de sa valeur marchande, d’autres considérations sont apparues en relation avec les nécessités de la protection de l’environnement, de la biodiversité, et également du droit des personnes de vivre dans un environnement sain. De ce point de vue, l’arbre entre désormais au cœur des politiques environnementales et climatiques par-delà la seule nécessité économique de gérer les forêts. Il est reconnu non plus seulement comme un bien ayant une valeur économique, selon sa conception traditionnelle, mais comme un élément précieux devant être protégé en considération de ses fonctions écologiques et sociales en ce qu’il contribue à la qualité de l'air, à la préservation des sols et la prévention des inondations, à la protection de la nature, à la lutte contre le changement climatique et de manière générale au bien-être collectif. De la sorte, l’arbre semble avoir acquis le bénéfice d’une protection telle que celle-ci n’est pas même encore reconnue aux autres espèces végétales ou animales. Quand bien même il a pour objet la vie et par extension la santé des arbres et des forêts, ce bénéfice de protection par la puissance publique ne saurait dans la conception traditionnelle dégénérer en des droits subjectifs ne pouvant appartenir à des personnes juridiques qui n’existent pas. Faut-il et/ou est-il envisageable d’aller plus loin ? 

Selon l’approche traditionnelle, la protection de l’arbre et des forêts ne nécessite ni ne peut donner lieu à une personnalisation juridique, quand bien même ces diverses fonctions ne sont plus désormais contestées. Outre diverses difficultés techniques tenant à leur éventuelle représentation pour l’exercice de leurs droits pour le cas où leur personnalité juridique devrait être reconnue, lesquelles pourraient être aisément surmontées, l’obstacle principal qui est opposé à leur personnification juridique est celui du potentiel conflit qui en résulterait avec les droits de propriété individuels, voire avec les prérogatives des états dans l’exercice de leur pouvoir de régulation. Autrement dit, il est acquis que la protection des arbres et des forêts est nécessaire, mais elle doit connaître des limites, la principale d’entre elles étant l’interdit absolu de leur personnalité juridique, au motif que les activités humaines ne sauraient être entravées par cette reconnaissance. 

Dans certaines cultures néanmoins, l’arbre et les forêts peuvent avoir, ou avoir eu, des significations symboliques et religieuses considérables. Récemment le 28 septembre 2025, un érable majestueux vieux de plus de deux cents ans très connu au Royaume-Uni et immortalisé dans le film Robin des Bois, connu sous le nom de Sycamore Gap, qui se trouvait tout près du mur d'Hadrien érigé à l'époque romaine pour empêcher l'invasion des barbares sur un site classé au patrimoine mondial de l'Unesco, et de surcroit élu en 2016 "arbre de l'année", a été abattu délibérément, victime d'un acte de vandalisme au grand désespoir de ses nombreux admirateurs. Cet évènement a provoqué larmes et colère au Royaume-Uni et par-delà ses frontières. Ce constat atteste le respect voire l'attachement de populations fussent-elles minoritaires pouvant exister avec un arbre ou une forêt, et plus généralement à l'égard du vivant, à l'égal de ce qu'il peut être par ailleurs envers certains animaux. Sa négation par le Droit faute de reconnaissance au vivant d'un véritable droit à la vie a pour conséquence le déracinement de ces populations d leur histoire, de leurs coutumes ou de leur foi, en même temps qu'un arbre ou une forêt sont eux-mêmes déracinés. Au constat des insuffisances de la protection existante, outre que de nombreuses études scientifiques ont démontré que les arbres jouissent du pouvoir de communiquer entre eux dans le cadre de ce qui ressemble grandement à une société organisée, le Droit peut-il persister à ignorer délibérément les croyances et la psychologie humaines au motif pris de son anthropocentrisme ? A suivre ...
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