Institut Panafricain du Développement Durable


La réparation des dommages climatiques est-elle un droit de l'homme ?

Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a pris trois décisions importantes concernant le changement climatique. 

Dans la première affaire Carême contre France, le maire de Grande-Synthe a demandé au gouvernement français de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de prendre des mesures pour respecter ses obligations climatiques. Il a déclaré que l'absence d'actions suffisantes constituait une violation de son droit à la vie et à la vie privée, citant les articles 2 et 8 de la Convention. 

Dans l'affaire Duarte Agostinho contre Portugal et 32 autres États, six Portugais ont affirmé que le changement climatique nuisait à leur santé mentale et à leur bien-être. Ils ont invoqué des violations des articles 2, 3, 8 et 14 de la Convention, soulignant que le Portugal était très vulnérable aux effets du réchauffement climatique. 

Dans l'affaire Verein Klima Seniorinnen Schweiz contre Suisse, les requérantes ont signalé des manques d'action de la part des autorités suisses en matière de changement climatique, se référant aux articles 2, 6, 8 et 13 de la Convention. 

Ces trois décisions de la Cour européenne mettent en avant son rôle dans la justice climatique. Elle affirme sa compétence dans ce domaine et elle souligne l'importance d'une réponse démocratique des législateurs et des exécutifs. La Cour insiste sur le respect de l'État de droit et l'importance des avis d'experts du GIEC. Elle considère que les États peuvent être tenus responsables des conséquences du changement climatique si des actions spécifiques auraient aidé à réduire les dégâts. 

Cette démarche représente une avancée significative pour établir le changement climatique comme un enjeu de droits de l’homme, que certains ont même qualifiée de révolutionnaire, même si la Cour semble encore explorer son rôle dans ce domaine. 

Les défis juridiques qui sont liés au changement climatique sont en effet considérables. Par le passé, la Cour a généralement fondé ses décisions sur des sources de pollution identifiables, ce qui complique son approche face à un problème aussi complexe que le changement climatique. Actuellement, la jurisprudence qui régit les pollutions n’est donc pas aisément transposable aux changements climatiques. Ce qui explique une certaine réticence à élargir son champ d'action, avec les conséquences qui en résultent concernant les obligations des États en la matière. En ce qui concerne précisément ces obligations des États, la Cour mentionne plusieurs décisions qui les définissent. Bien qu'elle reconnaisse une certaine responsabilité des États, elle maintient une marge d'appréciation quant aux moyens d’atteindre leurs objectifs climatiques.

La Cour aborde également le nombre croissant de plaintes individuelles concernant le climat, en imposant des restrictions sur les procédures et des critères stricts pour la reconnaissance des victimes. Cela complique la protection des individus, surtout des groupes vulnérables. Les associations peuvent néanmoins agir au nom des individus, même si elles ne représentent pas toujours les victimes directement. Les plaintes individuelles sont souvent rejetées, mais des associations ont réussi à établir des violations de droits. La Cour continue ainsi de valoriser le rôle des associations dans la défense des droits climatiques, en faveur des recours collectifs face à ces problèmes complexes. A suivre …
Recherche