Institut Panafricain du Développement Durable
A partir du 1er janvier 2026, le marché européen du carbone s'étend au monde entier en imposant aux exportateurs de certains produits vers l'Europe de payer pour acheter des « certificats MACF ».
L'UE qui a importé plus de 2 500 milliards d'euros en 2023, ce qui représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe, cherche à réduire les émissions liées aux importations pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, et en même temps, à organiser une concurrence équitable entre les entreprises européennes auxquelles il est imposé d’être vertueuses d’un point de vue environnemental et climatique, et les entreprises importatrice qui pourraient ne pas l’être autant. Il s’agit d’imposer un coût supplémentaire aux produits importés, pour organiser une concurrence équitable avec les entreprises européennes en les mettant sur un pied d’égalité. Ce sans oublier l’objectif purement financier, qui est également le sien, de se trouver des ressources propres pour rendre le budget de l'UE moins dépendant des contributions nationales. Pour atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050, l'UE doit réduire les émissions non pas seulement sur son territoire, mais également celles issues des produits importés. C’est avec ce double objectif que le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) a été créé, également connu en anglais sous la dénomination Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM), ou encore appelé « taxe carbone européenne ». Ce dispositif a été jugé nécessaire car les entreprises européennes sont assujetties à des normes écologiques strictes, tandis que les entreprises étrangères ne sont pas toujours soumises aux mêmes exigences sur les émissions de gaz à effet de serre. Sans ce mécanisme, le risque existerait que les multinationales européennes délocalisent leurs activités vers des pays avec des réglementations environnementales plus faibles et polluent davantage. L'objectif est donc de protéger le tissu industriel européen tout en décarbonant l'industrie.
Le règlement européen 2023/956/UE qui crée le MACF est entré en vigueur le 1er octobre 2023, en prévoyant l’application de certains articles en 2024 et d'autres en 2026, pour s’appliquer jusque 2034 de manière progressive. Partie intégrante du « Pacte vert » de l'Union Européenne, il a été conçu pour étendre les normes environnementales de l'UE aux entreprises qui exportent vers son territoire, en leur imposant des coûts supplémentaires sur certains secteurs incluant initialement le fer, l'acier, le ciment, les engrais, l'aluminium, l'électricité et l'hydrogène lors des importations en Europe. Autrement dit, il constitue un instrument au service de l’extra territorialité du droit européen pour encourager à l’extérieur de l’UE des méthodes de production plus durables. L'UE prévoit d'étendre le MACF à d'autres produits à l'avenir. Les pays comme la Russie, la Chine et l'Ukraine seront les plus touchés par ces nouvelles règles sur les exportations vers l'UE. Ce système a donné lieu à des accusations de protectionnisme de la part de certains pays, en particulier ceux faisant partie des BRICS et du continent africain, qui craignent qu’il affecte leur compétitivité sur le marché européen. Certains pays africains comme le Mozambique et le Zimbabwe dépendent énormément des exportations de produits soumis au MACF. Dans le cas du Mozambique, près d’un cinquième de ses exportations totales sont de l’aluminium vers l’UE. Pour cette raison, le seuil d’application du MACF a été réévalué. Seules les entreprises qui importent plus de 50 tonnes de produits par an seraient alors concernées. De quoi exempter 90 % des sociétés importatrices, dont une très grande majorité de PME.
L'UE possède déjà un Système d'Echange de Quotas d'Emission (SEQE) qui aide à réguler les émissions de gaz à effet de serre au sein de l'Union. Il s’agit d’un marché du carbone, qui attribue des quotas d'émissions de gaz à effet de serre aux entreprises. En cas de dépassement de ces quotas, elles doivent payer un surcoût, dont le montant est défini par le marché (environ 70 euros la tonne de CO2 en août 2025). Cependant, malgré le SEQE, les émissions liées aux importations ont augmenté, ce qui compromet les objectifs climatiques de l'UE. Des « fuites de carbone » se produisent lorsque des entreprises déplacent leur production vers des pays aux normes environnementales moins strictes, entraînant une hausse des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les produits importés de ces pays, qui ne respectent pas les mêmes normes, sont souvent moins chers, ce qui fausse la concurrence. Pour remédier à ces travers, l'UE a opté pour un mécanisme de marché plutôt que pour une taxation directe sur les produits importés. Le MACF est lié au SEQE en ce qu’il partage avec lui les mêmes objectifs. Mais il s’en distingue en ce que le SEQE a pour objectif de limiter les émissions en fixant des plafonds pour les émissions de gaz à effet de serre. Alors que le MACF n’a pas pour objectif n'entraver les importations, de manière à ne pas nuire au commerce. Dans la grande tradition des législations européennes, sa mise en œuvre est complexe.
La mise en œuvre du MACF est divisée en deux phases. Elle a commencé par une première phase transitoire courant de 2023 jusqu'en 2025, pendant laquelle les importateurs de ces produits ne sont tenus qu’à une simple obligation de déclarer leurs émissions. Pendant cette période de transition, les importateurs des produits concernés ne sont tenus que de déclarer trimestriellement les émissions de gaz à effet de serre pour les produits importés, sans paiements financiers immédiats. Ils doivent demander le statut de déclarant MACF autorisé avant d'importer des marchandises, ce qui leur permettra également de s'enregistrer dans un registre spécial qui a été créé. Des documents d'orientation ont été élaborés pour aider les entreprises à se préparer à ces nouvelles règles. À partir du 1er janvier 2026, le mécanisme sera pleinement opérationnel. Les importations de « produits MACF » seront conditionnées à l’acquisition du statut de « déclarant MACF autorisé », qui aura valeur de licence d’importation et sera contrôlé par la douane. Les importateurs des produits concernés devront payer pour acheter des droits d'émission basés sur les émissions de carbone de leurs produits. De la sorte, les importateurs des produits concernés par cette taxe subiront des coûts supplémentaires, similaires à ceux que les entreprises européennes paient en raison de la réglementation sur les quotas d'émissions. Ils devront en justifier par des certificats pour leurs émissions carbone, et soumettre des déclarations annuelles devant inclure le nombre total de certificats MACF nécessaires pour compenser leurs émissions. Les importateurs achèteront des certificats carbone via une plateforme centrale, dont le prix sera basé sur le marché du carbone de l'UE. À la fin de chaque année, les déclarants doivent restituer les certificats correspondant à leurs importations. La plateforme agira comme un marché boursier, et les États membres peuvent racheter les certificats excédentaires des déclarants. L'efficacité du MACF sera continuellement évaluée. A suivre ...